Petit conte de la coccinelle

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Des explosions font sursauter la coccinelle. Même à l’abri dans une cabane de jardin, le bruit est assourdissant, à glacer le sang d’un perce-oreille. La carapace à deux points de notre héroïne tressaille. Deux points qui font la fierté de sa mère, qui y voit une distinction pour trouver un bon mari. Une tare pour son père, qui craint que ce manque de points soit corrélé à un manque de neurones. Plus ésotérique, la grand-mère y voit un symbole du Ying et du Yang.

Ces bruits pétaradant font craindre à la coccinelle le début de la Cérémonie de sacrifices de Lucioles. Chaque année, la nuit s’illumine de milliers de lumières montant dans le ciel. La source de ce remue-ménage? Les humains utiliseraient des lucioles comme de la chair à canon lors de cette fête païenne. Poussée par un courage sorti de nulle part, Coccinelle décide d’assister à la cérémonie, pour vérifier si ce sacrifice n’est pas une légende arboricole (ou urbaine). Sortir de la cabane est un défi en soi, car elle doit le faire sans que sa famille le sache. Dans sa famille, personne n’aurait idée d’assister à ce genre de sacrifice, ce qui reviendrait à le plébisciter. La curiosité finit par l’emporter. Une fois que ses parents ont la carapace tournée, elle met les gaz vers une anfractuosité de la fenêtre. A elle l’aventure et les cocktails de puceron!

Un destrier improbable

Dévalant la façade de la cabane telle Spider-Man, Coccinelle arrive sur la terre battue. Pour se rendre à la Cérémonie rapidement, elle pense à un moyen plus rapide que ses ailes. Elle a entendu parler d’un moyen de locomotion écologique…les chiens. Et comment le commande-t-on? Il faut le siffler, avait expliqué une commère, en soufflant avec une herbe à chat. Si ce n’est pas ironique. Vite, elle grimpe sur une herbe à chat et se met à souffler. Aucun son ne semble sortir…La commère lui a raconté des bobards. Pourtant, une masse énorme fond sur elle. C’est plein de poils et ça exhale une haleine fétide. La coccinelle déploie ses ailes et se dépose sur cette masse énorme. Le chien se met à courir dans tous les sens. En même temps, elle n’a pas pu expliquer sa destination. La prochaine fois, elle prendra un Uber . L’insecte commence à paniquer…Va-t-elle finir écrabouillée? Voir un sacrifice de lucioles valait-il d’être sacrifié à son tour? Mais soudain, panique. Une énième explosion fait sursauter le destrier canin, qui part se réfugier dans le cabanon. Retour à la case départ pour notre jeune rebelle.

Une lueur d’espoir

Dans un coin de la cabane, Julius, le petit-fils du jardinier, est en pleine lecture. Le jardinier accoure pour l’en tirer. « Tu vas rater la fête, si tu ne te bouges pas! ». Pendant que le petit ferme son livre, la coccinelle, déploie ses ailes et se faufile dans son capuchon. Le jardinier et Julius traversent le jardin et se rendent au bord d’un lac. Cachée dans les plis du capuchon, la passagère clandestine entend les détonations, mais ne voit rien. Elle se juche sur la tête du garçon et là, le spectacle se dévoile. De longues traînées de lumière surgissent de la terre et explosent en plein ciel. Les spectateurs applaudissent, ravis. Dépitée de cet enthousiasme macabre, notre héroïne regarde autour d’elle pour trouver des congénères pour la réconforter. Une lignée de coccinelles admire le spectacle sur un tronc, avec des cocktails de puceron entre les mandibules. Notre héroïne se joint à elles.

Une explication s’impose

– Mon dieu, quel massacre ! S’insurge-t-elle auprès de ses contemporaines.

– De quel massacre parlez-vous ? Ces feux sont une réussite! Réplique une coccinelle jaune. – Même plus réussis que l’année dernière, ils ont mis le budget cette fois, renchérit une coccinelle noire, qu’on distingue à peine dans la pénombre. La coccinelle les dévisage interloquée. – Un budget pour exploser des lucioles en plein vol ? Mais la Terre ne tourne pas rond! – Des lucioles?, s’esclaffe une autre fêtarde. C’est une légende pour les enfants qui ne finissent par leur soupe! Les feux d’artifice sont fabriqués avec du souffre, de la poudre noire, et pleins d’autres choses pas naturelles, mais aucun insecte ne fait partie de la recette! Détendez-vous donc et prenez un cocktail de puceron!

Soulagée, l’héroïne attrape un cocktail qu’on lui tend et admire le ciel briller de mille feux, cette fois avec des étincelles dans les yeux.

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