Tenerife derrière les barreaux

Published by

on

Partir en voyage pendant le Covid s’apparente à partir sur la lune. On part en petit groupe en terre inconnue en ne sachant pas si on reviendra vivant. Découvrez le récit de mon voyage lunaire avec ma sœur sur Tenerife en cette période particulière!

Aux aéroports

L’aéroport de Zürich était quasiment vide. Chaque passager était masqué, sauf les enfants. Une fois embarquées dans l’avion, nous avons dû répondre à un questionnaire sur les symptômes fièvre/toux/difficultés respiratoires. Arrivées quatre heures de vol plus tard à l’aéroport de Tenerife Sur, notre température a été mesurée grâce à des caméras thermiques. Notre températures de ma sœur et moi étaient normales, ouf! L’île vidée de ses touristes choyaient ceux qui avaient bien voulu venir. Comme premier signe, notre transfert à l’hôtel pour 2 personnes a été assuré par un bus pouvant en accueillir cinquante! Grosse ambiance.

Le port du masque était pris très au sérieux. La majorité des gens en portaient dans la rue et obligatoirement dans les bâtiments publics. Les désinfectants étaient disponibles partout et les menus des restos se lisaient en téléchargeant un QR code sur son téléphone.

Une terre de contrastes

Côté paysage, le sud-ouest de l’île offre un paysage lunaire, aride. Dans la terre volcanique noire, seules quelques plantes poussent çà et là. Ce qui pousse plus facilement par contre, ce sont les hôtels, restaurants et commerces agglutinés au bord de la mer et à flanc de coteau. Une vision d’autant plus triste qu’une grande partie de ces hôtels était fermée. Ces mastodontes fantômes attendaient une hypothétique réouverture…

Le nord de l’île était à l’opposé verdoyant et humide. Palmiers, dattiers, cactus et plantes grasses énormes poussaient joyeusement sur les bords des chemins. Nous avons même vu des terrasses de vigne. En partant du Sud à 35 degrés, la température pouvait chuter à 16 degrés sur les monts Anaga au nord-est! Des vents forts et un brouillard enveloppent par surprise. Prévoyez un pull ou même une veste de pluie.

L’île est petite : on en fait le tour en un jour. Nous avons loué une voiture pour voyager à notre guise. Il est aussi pratique d’avoir un forfait de données Internet pour l’étranger, pour avoir un GPS précis sur soi.

La costa Adeje au sud-ouest est connue pour ses plages (playa de los Americanos, playa de las galletas etc.). Soit des plages noires (sable noir et galets), soit de sable blanc. Le Lonely Planet raconte que ce dernier est soit tiré des fonds marins soit importé du Sahara! Nous avions logé au H10 Costa Adeje Palace, qui propose de beaux buffets et de grandes piscines.

La Orotava

Pour notre 1er jour de visite, nous nous sommes rendues à la Orotava. Cette ville tout en pente possède de belles bâtisses colorées, avec des balcons boisés sculptés, mêlant des architectures d’inspiration musulmane et espagnole. La maison la plus connue est la Casa de los balcones.

Nous savions que les espagnols ont des horaires de travail spéciaux, mais à force de tomber sur des portes et grillages fermés, nous avons compris que le Covid avait provoqué la fermeture des sites touristiques. Des affiches « Stay at home » étaient placardées partout…on aurait dû s’en douter. De magnifiques jardins attendaient notre visite, derrière leurs immenses portails. Pour le reste du séjour, nous devions trouver des activités extra-muros.

Quelques restaurants restaient heureusement ouverts. A la Orotava, à côté de la Iglesia de la Concepcìon, le bar la Duquesa propose notamment un ragoût de lentilles avec des morceaux de poulet et de légumes, un régal.

Puerto de la Cruz (nord)

En deuxième partie de journée, nous avons rejoint cette petite station balnéaire. Elle est surtout connue pour son centre aquatique, imaginée par l’architecte du Lanzarote César Manrique. Il est composé de plusieurs piscines creusées dans la roche volcanique, des bancs tout en longueur, des statues.

La Masca

Pour éviter de se heurter à d’autres portes closes, nous avons pris de la hauteur dans le petit village de Masca. La route pour y accéder est tortueuse avec des virages en tête d’épingle. Nous pouvions potentiellement descendre de ce village jusqu’à la mer. Pour cause d’effondrement de terrain, notre route s’est vite arrêtée. Pendant notre courte marche, nous avons découvert des graffitis d’un nouveau genre: graver son nom dans un cactus (ne reproduisez pas ça chez vous)! En continuant notre route, nous nous sommes arrêtées à El Palmar, qui se distingue par colline effondrée à plusieurs endroits (voir la galerie ci-dessous).

Garachico

Cette ville portuaire du nord-est a aussi aménagé quelques rochers volcaniques pour la baignade. A propos des vagues, elles sont plutôt fortes selon les plages où vous allez. D’un point de vue historique, la ville a connu un grand essor jusqu’en 1706 où une coulée de lave a rasé son port de la carte. Un jardin commémore cet événement avec un portique du port miraculeusement resté debout: « La torre de la Tierra ». Il est agréable de se promener dans les petites rues et voir les maisons colorées.

Les monts Anaga

Cette chaîne de montagnes permet de nombreuses randonnées dans la forêt tropicale. Notre première promenade partait d’El Balaidero jusqu’au petit village de Taganana (500 mètres de dénivelé). Au départ de la promenade, le vent était fort et les arbres faisaient tomber des gouttes de condensation sur nous. Seigneur, j’avais oublié mon parapluie en Suisse! Dans cette bourgade discrète de Taganana, nous avons juste pris un en-cas avant de reprendre la montée.

Notre deuxième randonnée partait du village de Las Carboneras à Tagona. Le premier village ne tire pas son nom des pâtes, mais du mot « charbonnier ». Ce métier disparu consistait à faire du charbon avec le bois de la forêt dans des grands fours en pierre. La promenade a duré 2 heures pour l’aller-retour, avec un niveau facile.

A Carmen del Cruz, un bureau touristique présente les chemins de randonnée possibles. Ma sœur, équipée comme MacGyver, repérait les tracés avec son application Suunto. Un must pour connaitre l’altitude et la durée d’une balade.

La Laguna

Cette ville coloniale au nord-est présente un quadrillage parfait, pratique pour se repérer. A notre grande surprise, le Musée d’histoire et d’archéologie de Tenerife (MHA) était ouvert. Pour éviter tout contact, l’entrée était gratuite. En se connectant au wifi de l’établissement, un audioguide nous a présenté l’histoire de la colonisation de l’île, ses premiers habitants, sa christianisation, son commerce maritime avec le reste du monde.

Santa Cruz

Tout à l’est de l’île, la capitale est très moderne, avec de grands buildings. Nos sites préférés étaient le Mercado de la Señora de Africa (ouvert entre 9h et 14h). Le TEA (Tenerife espacio de las artes) est un bijou architectural pensé par les suisses Herzog et De Meuron et le Tinerfeño Virgilio Gutiérrez. Sa structure est toute vitrée et s’enfonce dans la terre, dévoilant une salle d’étude d’une hauteur de cathédrale et une bibliothèque qui m’a donné envie de retourner aux études. Nous avons mangé au restaurant le Guannabi qui propose des tapas délicieux (comme le riz noir à l’encre de seiche et calamars grillés). L’auditorio de Santa Cruz ressemble à l’opéra de Sidney. Cet édifice bâti de 1997 à 2003 évoque une vague (ou une feuille). Nous avons visité le Palmetum, une décharge de 12 hectares rénovée en jardin botanique. Il possède une impressionnante collection de palmiers du monde entier. Un moment suspendu où l’on déambule au milieu des papillons, oiseaux et plantes exotiques.

Parc El Teide

Le clou de notre visite sur l’île a été le volcan El Teide culminant à 3’718 mètres d’altitude. Si vous souhaitez monter jusqu’au sommet en téléphérique, réservez votre place dans un créneau de 2h. Bien organisées, nous sommes arrivées devant le départ du téléphérique, papier de réservation en main. Un gardien nous a expliqué qu’il n’était pas possible de prendre la cabine (cerrado*, le mot espagnol le plus utilisé de ce voyage), mais d’emprunter un chemin de randonnée pour la Montaña blanca. Nous avons serpenté un sentier entre les bombes volcaniques. A chaque portée fermée, nous trouvions une solution.

En conclusion

Ce voyage nous laissera un goût d’inachevé. Nous aurions pu en savoir plus sur l’île si davantage d’établissements touristiques étaient ouverts. En même temps, on ne peut pas reprocher au pays de protéger sa santé publique, tout en sauvant un peu son tourisme. Malgré les conditions particulières, l’architecture, le volcan, la culture du pays étaient de toute beauté, même derrière les barreaux. Je vous recommande chaleureusement de visiter Tenerife quand la situation sera rétablie pour en profiter en toute liberté!

Avec mes salutations littéraires,

Anaïs Zufferey, 15 juillet 2020

*cerrado : fermé

Guide Lonely Planet: Tenerife en quelques jours
New York Times: article sur la situation du tourisme Espagne -Ténérife (J’ai été interviewée à la Laguna!)

Laisser un commentaire