Ce mois d’octobre, j’ai eu le privilège de visiter le Musée Atelier de l’horloger de la vallée de Joux Audemars Piguet. Cette maison historique a inauguré son exposition en juin 2020. Le chemin pour s’y rendre serpente le long des routes de la Vallée de Joux. Dans cet écrin de verdure, le Brassus s’étend sur la plaine, paisible. Dans cette atmosphère campagnarde, des grands noms de l’horlogerie ont leurs ateliers: Audemars Piguet, Blancpain, Jäger Lecoultre, entre autres. L’origine de ce savoir-faire remonte au 17ème siècle où les paysans de la Vallée, pendant les temps froids, se reconvertissaient en horlogers. Ils travaillaient sous le toit de leur ferme pour profiter de la lumière du nord. « C’est la meilleure des lumières, que ce soit pour les horlogers ou les peintres, par exemple », nous explique notre guide.
Pour cette visite sur inscription, nous sommes quatre. Un couple manquant à l’appel, la visite guidée prend des allures de cours particulier, à notre grand bonheur! Le public est composé d’amateurs de belles montres venus de Lausanne et Genève. Une visiteuse travaille pour une marque de luxe française et fait visiter ses clients dans ce type de lieux prestigieux. Un vigile très sérieux fait le contrôle des tickets et de l’identité de chaque visiteur. Avec un système de badge, personne ne rentre ni ne sort par hasard de cet imposant bâtiment. Vu la valeur des pièces exposées, c’est compréhensible. « Nous pouvons dire que nous nous promenons dans un coffre-fort », confie la guide, habituée des lieux.
L’entrée du Musée se trouve dans la maison de maître de la famille Audemars. La bâtisse est typique de la région, blanche, boisée et haute en plafond. Elle fait partie d’un grand complexe avec des ateliers et un futur hôtel des horlogers. La marque fut créée en 1875 et peut s’enorgueillir d’être le dernier groupe horloger suisse indépendant. En effet, les membres de la famille Audemars Piguet sont les propriétaires de leur marque. Le cœur de l’exposition est enterré, dont la structure évoque une coquille d’escargot. Suite à un concours d’architecture, c’est un danois qui a imaginé ce bâtiment. D’épais vitrages bombés soutiennent un toit végétalisé. Les travaux ont duré 2 ans, depuis 2014.
En descendant d’un étage, on arrive à la cave (pas de grand dépaysement pour la Valaisanne que je suis!). Puis on débouche sur le vaste hall d’entrée, lumineux. Partout où se posent nos yeux, des merveilles : le vitrage donnant sur la vallée de Joux, la finesse du mobilier, l’équilibre entre le dépouillement et la richesse. L’exposition présente des modèles rares, comme des anciennes montres datant des fondateurs Audemars et Piguet, mais aussi des plus récents décernés à des stars du sport (Schumacher, Lebron James, Serena Williams). Le modèle le plus emblématique est la Royal Oak. L’objectif de ce modèle était de toucher toutes les générations et d’être portable en tout contexte, du court de tennis, au travail jusqu’à la soirée au cinéma. Un nouveau paradigme qui détrône la lourde montre en or de mamie que l’on porte à chaque mort d’évêque.
Des maquettes montrent les pièces détachées des mouvements, dont le tourbillon. Un automate remarquable représente un bonhomme marchant à la marche aux champignons. Des mécanismes s’animent joyeusement, nous rappelant notre enfance. Sur des structures en étain, des planètes se mettent en mouvement pour nous rappeler la mesure de temps. Une installation particulièrement impressionnante est un « éclatement », composé d’éléments d’une montre, suspendus par des fils. Il a été fabriqué par des apprentis horlogers. La guide pointe un rubis du doigt: « De nos jours, les rubis sont majoritairement fabriqués en laboratoire. Et ils coûtent presque autant que les vrais! »
La pièce maîtresse de l’exposition est la montre à gousset « L’Universelle » (1899). Ce bijou est l’un des garde-temps le plus complexe de son ère. Elle est composée d’éléments très rares et de nombreuses complications, plusieurs cadrans pour l’heure, phases de la lune, heures sautantes etc. La guide nous explique que lorsque la maison a racheté ce chef d’œuvre à un collectionneur, ce fût une gageure de la remettre en état. Le reste de l’exposition montre des garde-temps des plus anciens aux plus récents. Les déclinaisons de la Royal Oak sont mises à l’honneur dans des épaisses vitrines.
Les ateliers des horlogers sont disposés en bordure de la partie vitrée du Musée. « Les horlogers ne voient les visiteurs que très peu grâce à un vitrage spécial », nous explique notre guide. Rassurant de savoir qu’ils ne sentent pas épiés dans leur travail. Je n’ai aucune image d’eux, car il est interdit de les prendre en photo.
A la fin du parcours, le visiteur est invité à passer à la pratique. Armés d’une pince à épiler et d’un tournevis, il faut saisir de minuscules visses et les visser à une plaque. Les doigts un peu tremblants, on comprend mieux la concentration demandée aux artisans horlogers.
Quelles facultés sont demandées pour être un bon horloger? « Ils vous diront qu’il faut avant tout beaucoup de patience…et de la passion », raconte notre guide. Elle est inépuisable sur le sujet et compte 15 ans de maison au compteur. On pourrait l’écouter pendant des heures. Nous en passons deux avec elle, qui passe comme un rêve. Puis, il est temps de rentrer. Nous recevons un magazine, l’objet sans doute le moins cher de l’exposition. Les cerbères nous escortent à la sortie. Retour à la vie réelle, le temps reprend son cours. Je respire. Trop d’argent, de sécurité, de faste finissent par peser. De cette visite, je retiens le travail monumental pour mettre en valeur l’histoire et le savoir-faire de ces horlogers de la Vallée de Joux!
Avec mes salutations minutieuses,
Anaïs Zufferey, octobre 2020.
Informations pratiques: visiter le Brassus, sur inscription, jusqu’au 17 décembre 2020 avant la fermeture annuelle.























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