Pardonnez-moi mon Père, car j’ai péché. Vu que je m’adresse à toi en tant que père, permets-moi de te tutoyer le temps de ma confession. Vois-tu, j’aurai préféré me confier à mère, mais je ne trouve aucun passage dans la Bible qui dit : pardonnez-moi ma mère car j’ai péché. Et parle-t-on du Père comme du curé ? Ou du père de tous les pères, le Seigneur ? Et qui est la Mère des mères, sinon Marie, une simple mortelle ? Si on lui avait donné le don de transformer l’eau en essence, elle serait la reine du pétrole à l’heure actuelle.
Pour ma part, je ne suis pas mariée, mais en concubinage avec un simple mortel (à 34 ans passés oui Madame…heu mon Père !). Dans un autre temps, on m’aurait envoyée au couvent réfléchir à ma conduite, retrouver le chemin de la foi et faire des points de croix.
Et pourquoi pas ?
Déterminée à retrouver la lumière, j’ai pris des livres, un carnet et un stylo (car je sais écrire, à défaut de coudre), direction le Couvent la Pelouse à Bex. Depuis le Valais central, on se rend à Saint-Maurice, puis on enjambe le Rhône pour le village de Lavey. Un étroit chemin sillonne au milieu des vignes, sur la colline de Chiètres. On passe à côté de la brasserie de l’Abbaye. Jadis, les religieux brassaient leur bière, savoir-faire récemment remis au goût du jour. Sans le savoir forcément, on quitte le Valais pour entrer en terres vaudoises. La colline fait le coude entre Saint-Maurice à l’est et Monthey à l’ouest.
Une brebis égarée
Je gare ma voiture en contrebas du couvent et m’atèle à trouver la Villa où je vais séjourner. Non sans mal, car l’accueil principal est fermé. Dans un Escape Game normal, le maître du jeu te donne les clés pour accéder à la mission. Assez débrouille, j’ai trouvé ma chambre, ouverte, avant ma clé. Elle m’est venue plus tard des mains d’une intendante de la Grande Maison. La Villa, quant à elle, a été rénovée en 2015. En plus des chambres individuelles, elle dispose d’un espace commun splendide. Une cuisine moderne, des hauts plafonds, tables de lecture, grand tapis pour le yoga…L’incarnation de la collocation rêvée.
Comme Elle Woods dans la Revanche d’une Blonde, j’entre d’un pas gauche dans la Grande Maison pour rencontrer mes nouveaux compagnons. Le malaise ne dure pas longtemps. Les hôtes de passage comme les sœurs sont bienveillants. Des protestants, catholiques et d’autres confessions viennent le temps d’un week-end, une semaine ou plus, se recueillir et prier en semble. Ils viennent de Suisse, de France, du Canada, de partout. Point besoin de croire au Seigneur pour venir se ressourcer ici. D’ailleurs, des familles ukrainiennes sont également accueillies ici.
L’heure de la messe (missa)
J’aurais pu rester sous les combles à lire, écrire et cogiter. Mais j’ai trop la bougeotte pour ça. Du coup, je me suis rendue à la messe le samedi. Pas à l’aube pour les Laudes, c’était le week-end, faut pas déconner. J’ai choisi Sexte, aux environs de midi. La chapelle est baignée de lumière et chaleureuse. Les sœurs s’inclinent très bas devant la croix avant de s’asseoir, Bible et cantique à la main. Sexte consiste en 15 minutes de chants liturgiques. J’étais venue les mains vides et je contemplais la sœur qui interprétait ses solos avec un coffre admirable. Une religieuse derrière moi s’en est allée quester pour moi une Bible et un bout de papier avec le chant en question. Du coup, je suis restée coite, mais avec un papier dans les mains (ça fait plus sérieux). Ce silence entre les chants, cette réunion d’âmes paisibles était assez réconfortante. Néanmoins, la moyenne d’âge de l’assistance ne laisse planer aucun doute sur l’état de l’église actuel. Peut-être que proposer du Gospel au répertoire pourrait apporter un vent de fraîcheur.
Inferno
Aux gens qui cherchent un oasis de verdure avec le confort d’un Sofitel, passez votre chemin. Pour résumer ma 1ère nuit, j’avais les pieds qui dépassaient de mon lit une place, j’ai fait des cauchemars et une insomnie jusqu’à 5h du matin. Qui dit repli sur soi, dit introspection. Un temps certes difficile, mais nécessaire.

Mens sana in corpore sano
Dans la salle à manger de la Grande Maison, les tables sont réparties par groupe. Les habitants de la Villa mangent ensemble et le contact passe bien. Entre une Valaisanne, une Fribourgeoise, une Canadienne et un Lyonnais, les débats vont bon train. Cela passe par le vocabulaire gastronomique : qu’appelle t-on une tourte ou un gâteau, un saucisson ou du salami. Le saucisson vaudois et le papet vaudois font l’objet de vifs débats. L’ambiance est conviviale, même s’il faut veiller à ne pas parler trop fort.

Lectio Divina
Pendant mon séjour, plusieurs personnes me demandent si je participe au Lectio Divina. Je suis tentée d’évoquer quelques formules magiques d’Harry Potter, mais je me retiens. Il s’agit d’une méthode de prière par la lecture méditative de textes liturgiques. Après cette session, les croyants passent à table et mangent en silence dans la Grande Maison. De la musique est diffusée pour essayer de rendre ce moment moins malaisant. Le fait de se taire à table me fait penser aux tablées des années 30 où personne ne pipait mot. Moins rigolo pour les hôtes « normaux » qui auraient préféré discuter sur la cuisine du monde.

Mea culpa
Je demande pardon à ma belle-mère (si j’en ai encore une à la fin de cet article), dont le nom composé contient le nom Marie. Puisse-t-elle comprendre mon sens de l’humour et allumer un cierge pour le salut de mon âme.
Quo vadis
Pour conclure, mon Père, je concède qu’après avoir fréquenté des hôtels de grand standing, on peut se sentir également à la maison dans un couvent plus austère. J’y reviendrai peut-être un jour. Pas en tant que sœur, mais comme influenceuse de la bonne parole. Ecrire une méthode pour mieux se retrouver, au milieu de la nature et de belles personnes.
Un grand merci aux sœurs pour leur accueil et à mes compagnons de table pour les échanges passionnants!
Nota bene
Couvent la Pelouse, Route de Chiètres 27, 1880 Bex. Propriété privée, seules les sœurs et les hôtes entrent dans le parc.
Article sur la rénovation de la chapelle en 2012






















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