10 ans de mon pétage de plomb : une célébration

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Fin 2012, pour ma 3ème année de Bachelor à l’Uni de Neuchâtel, je décide de prendre une branche pour renforcer mes piliers principaux : management, à la faculté d’économie. La réputation de ce renforcement est sans équivoque. Il pousse à travailler plus fort que les deux autres piliers réunis. Nous voilà avertis.

Une bête noire

Dans ce pilier, on étudie des matières intéressantes telle que la gestion de la production, le marketing, le lancement d’un produit. Et puis il y a la comptabilité. Ce sombre vampire tapi dans l’ombre me guette depuis l’école de commerce. A l’époque, mes capacités dans les langues m’avaient permises d’essuyer une moyenne de 3.2/6 en compta sans être pénalisée. Mais ça ne pouvait pas être le cas à l’université où la moyenne est exigée dans chaque matière (4/6).

Une panique et une fausse solution

Je cravache tant bien que mal pour préparer l’examen de comptabilité. Un semestre digne de l’enfer. Angoissée à l’approche de l’examen, on me prescrit le médicament Strattera (contre l’hyperactivité), dans le but de m’aider à me concentrer sur mon objectif. Indice pour la suite : je ne suis pas hyperactive.

Un tournant créatif

Arrive janvier 2013 et j’échoue à l’examen tant redouté. Mais je n’arrête pas le médicament, car il est magique. Au lieu de ralentir mon activité, il l’a décuple. Mon énergie créatrice sort de cage, tel un lion enfermé trop longtemps. Je ne connais plus de limites. Avide de m’exprimer, je crée mon site WordPress sur lequel vous êtes en train de lire (URL de l’époque : Siana Trema) . En parallèle, je m’achète mon 1er appareil photo Lumix.

Dans mon temps libre, je fais des moodbards (collages) avec des photo de mode. Je réunis des pubs qui me plaisent : Liv Tyler pour Givenchy, les chevaux d’Hermès, les panthères de Cartier. Je postule pour des maisons comme Rolex, Patek Philippe pour une place de stage dans la comm. Toutes rejetées sans grande surprise.

Un univers parallèle

Cela monte crescendo. En plus de l’hyperactivité due au médicament, je deviens parano. J’ai l’impression que chaque manchette de journaux parle de moi, que les passants me pointent du doigt. Je crois pouvoir rencontrer des stars en vrai. Mes parents me font croire que nous roulons en direction de l’aéroport de Genève pour Los Angeles. Ils m’emmènent en réalité au centre psychiatrique de Malévoz à Monthey.

Une bulle hors du monde

La société n’est pas tendre avec ses pensionnaires. A l’école primaire, on disait qu’on allait finir là-bas si on devenait fous. Ce sont des dépressifs, alcooliques, schizophrènes qui peuplent ces couloirs. Voilà que je m’y trouvais à mon tour.

La gentille Anaïs, bonne élève et ne faisant pas de bruit, était tombée bien bas.

Entourée de personnes bipolaires, boulimiques ou victimes de démence, je remontais à la surface de l’océan cauchemardesque au fond duquel j’avais sombré. Il a fallu un bon mois pour évacuer le poison.

La vie d’après

Autant il est dur d’accepter d’avoir été internée là-bas, autant il est difficile d’en sortir. Un beau jour, on m’a ouvert la porte sur le monde que j’avais abruptement quitté. J’ai retrouvé la vie à mille à l’heure, retrouvé les gens que j’avais invectivés sur Facebook. Je demande encore une fois pardon aux personnes concernées dont je me souviens et pardon à celles que j’ai oubliées. Les médocs et le choc ont effacé pas mal de souvenirs de ma mémoire, également pour me protéger.

La santé mentale, enjeu de notre siècle

Je n’ai pas honte de ce qui s’est passé. C’est un privilège d’être prise en charge par des médecins spécialisés pendant un mois. Car en 2023, il y a encore des personnes qui sont en détresse psychologique dans le monde et qui, par manque d’argent ou par méconnaissance, ne sont pas traitées, mais enfermées dans une pièce avec les mains liées « en attendant que ça passe ».

Aujourd’hui, 3 mars 2023, je fête mes 35 ans. Et il y a 10 ans, à 25 ans, j’étais en soins psychiatriques. Aujourd’hui, entourée de ma famille et de mes amis, je sais que quoiqu’il arrive, j’aurai du soutien. Et ça n’a pas de prix.

Les maux de la fin

Chercher de l’aide : blog de l’Hôpital du Valais

Lire l’article paru dans la Revue médicale suisse sur la différenciation entre les troubles bipolaires (TB) et ceux du déficit de l’attention (TDAH)

Ligne éditoriale : depuis 2022, plus je pense au « quand dira-t-on », plus je sais que je touche juste. Parce que je ne suis pas née sur cette terre pour me taire (rime de type qualitatif).

Formation : j’ai décroché mon Bachelor (communication/sociologie) à l’Uni de Neuchâtel en 2013, à la fin de cet épisode. J’ai poursuivi avec un Master à l’Uni de Lausanne dans les mêmes branches, achevé avec succès au début de 2016.

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