Le syndrome du FOMO (fear of missing out, la peur de louper un événement) scotche les gens à leurs écrans. Cette pression ayant atteint mon âme, j’ai pris le large en mode JOMO (Joy of missing out, la joie d’être déconnecté). Pour prendre le large, je suis partie sur les traces de Che Guevara à Cuba.
Vol Genève-Madrid (2h) Je lis un roman de Franz-Olivier Giesbert, puis papote avec une sympathique dame qui a beaucoup voyagé. Mon téléphone commence ses vacances, sagement éteint. Le temps passe vite (JOMO 1pt). Vol Madrid-Havane (10h) Je tente de dormir, pliée en dix en écrevisse. Mais des écrans tels des phares me tiennent éveillée, à cause de gogols ne gérant pas leur FOMO. De guerre lasse, je tente de connecter mon téléphone au Wifi de l’avion, sans succès. Mon téléphone me nargue en mode JOMO. Le temps passe long (FOMO 1pt.)
La Havane (5,6,18-21 avril) Mon voyage était organisé par l’agence G Adventures. Dans le groupe, nous étions 9 Anglais, 3 Australiens, 3 Suisses (comme le magasine) et 1 Allemande. J’avais entendu du mal sur la sécurité de la Havane et de Cuba en général: vols à l’arrachée, agressions…me rendais-je dans le Bronx caribéen, fleur au fusil? A l’issue de ce voyage, je peux vous assurer que non. Plusieurs fois, je me suis paumée et tentait de retrouver ma casa particular. Sans que je demande, les gens m’ont naturellement montrée le chemin, sans braquer mon sac à la fin.
La ville de la Havane est magnifique, avec ses légendaires Chevrolet (les clinquantes pour les touristes et les rouillées pour les Cubains), ses square animés (la Plaza Vieja est magnifique) et ses musées historiques (le musée des beaux-arts ressemble à un opéra). On ne peut pas nier le côté délabré de la ville (le Lonely Planet parle d’une « princesse en guenilles »).
L’Internet est contrôlé dans tout le pays par le gouvernement. Il faut acheter une carte pour le wifi dans un magasin où le temps d’attente est le même que dans un Swisscom. Quand vous vous loguez avec le code de la carte, la connexion est laborieuse. De mon côté, j’écris un SMS à ma famille pour dire que tout va bien (FOMO 0.5 pt).
Pour voir la Havane de haut, rendez-vous à l’hôtel Ambos Mundos. Prenez un vieil ascenseur, actionné par un concierge jusqu’au 6ème étage. De là, admirez la Havane d’en-haut, notamment la rue touristique Calle Obispo et l’immense forteresse Fortaleza de San Carlos de la Cabaña. Sur la place des armes, la Fortaleza de la Fuera est une des rares forteresses des Amériques encore debout. Dans le Palazio de los Capitanes Generales, on peut admirer les costumes d’époque de cavaliers, ainsi qu’un couple de paons se baladant tranquillement dans la cour intérieure.
Sancta Clara (6 avril) Le clou de cette ville est le Mémorial dédié à Che Guevara. On commence par un petit musée présentant des affaires personnelles du Che: vêtements, livres, mais aussi outils de dentiste. Ce n’est pas surprenant lorsque l’on sait que pendant la révolution contre le gouvernement de Batista, il occupa tous les postes: combattant, mais aussi dentiste et agriculteur. Des compagnons d’armes comme Camilo Cienfuegos reposent à ses côtés dans une crypte. A l’extérieur, une immense statue du Che tenant un fusil est érigée, entourée de stèles sur lesquelles sont gravées des citations révolutionnaires cubaines.
Sancti spiritus (7-8 avril) Nous avons dormi dans un hôtel de charme avec un bar débordant de liqueurs. Mais au moment de la commande, les piña collada n’étaient pas disponibles. Dans les restaurants, il manque régulièrement des mets mentionnés à la carte (voir le sujet du rationnement plus bas). Côté tourisme, nous avons fait un tour en bicyclette tirée par des Cubains, le genre d’activité supra touristique, mais qui donne un bon résumé des bâtiments importants de la ville. Des gens jouaient au domino, pas de la manière de papi super lente, mais hyper rapidement. La raison de leur empressement? Ils pariaient illégalement de l’argent et ne voulaient pas être surpris par la police.
Bayamo (9, 10, 11 avril) Cette ville paisible et colorée se situe au bord de la mer. Nous avons soupé sur le toit d’un restaurant, tout en admirant les couleurs des bâtiments et le soleil se coucher sur la mer. Sur le toit de mon auberge, j’ai répété pour le spectacle de mon école de danse. Accompagnés d’un guide, nous nous sommes promenés dans une réserve, dans la forêt tropicale. L’oiseau national (Tocororo), perché sur une branche, arborait fièrement les couleurs du drapeau cubain (voir galerie). Par contre, ses petits yeux rouges lui donnaient un air machiavélique…ce piaf était-il en réalité un espion américain? Des bœufs tiraient des touristes dans des charrettes qui ne voulaient pas se mouiller les pieds en traversant des rivières. Au bout de l’effort, nous nous sommes baignés dans une rivière, sous une grosse cascade. Le lendemain, nous avons remonté le long dans un fleuve situé dans le canyon Yumuri (en espagnol « je meure », car des gens se suicidaient là). Les falaises, très escarpées, offrent pourtant un spectacle magnifique, avec beaucoup de verdure et une rivière hospitalière, où nous nous sommes baignés.
Santiago di Cuba (12, 13 avril) Elle est la 2ème plus grande ville de Cuba. Dans le cimetière Santa Ifigenia, nous avons vu le mausolée de Fidel Castro. Les barracos, ou l’ancien palais du gouvernement, portent encore les impacts de balle du coup d’état raté de Fidel Castro et ses hommes en 1956. Au centre-ville, j’ai visité une villa au style arabo-andalou. Mais au retour, bingo, me suis encore perdue. Sachez que l’architecture des rues de Santiago di Cuba était pensée pour égarer les pirates. Sans téléphone pour joindre mon guide (FOMO 1pt), j’ai dû héler 3 policiers pour demander mon chemin. Tout cela en espagnol, car l’anglais n’était pas dans leurs cordes. Je n’avais pas le nom de la rue, mais seulement les numéros de la casa particular sur une photo. Finalement deux locaux m’ont guidé et permis de retrouver mon groupe, escortée par la police telle une Conseillère fédérale.
Pour finir le sujet des pirates, notre guide nous a expliqué les 3 types de moussaillon ayant vogué dans les Caraïbes : pirate (Jack Sparrow), corsaire (marin d’un navire armé, pour le commerce) et boucanier (chasseur de bœufs sauvages, commercialisant de la contrebande par la mer).
San Domingo (13 avril) Ce village est caché dans la forêt, dans la chaîne de montagne de la Sierra Maestra. Nous avons fait une randonnée, sur des chemins sinueux et boueux. Il pleuvait à verse, mais au bout de la galère, nous avons vu la cabane où Fidel Castro vivait en 1958 avec ses hommes, avant de lancer une offensive militaire. La radio rebelle émettait des émissions révolutionnaires du sommet du Pico Turquino (1974m. alt.). L’ingéniosité et la ténacité dont ont fait preuve Castro, Che Guevara et les autres rebelles, terrés dans la forêt, est admirable.
Camaguëy (14 avril) Nous passons une nuit-là avant de nous rendre à Trinidad. Je vois tous mes compères sur leur téléphone et je craque. J’achète une carte pour Internet (1 CUC), mais mon vieux téléphone s’en fout (FOMO 1pt).
Trinidad Faisons une petite parenthèse. J’avais rédigé en 2018 un article pour le magasine Friday du 20 Minutes sur l’influenceuse écologiste Amelia Whelan. Elle avait publié une photo d’elle sur une plage, entourée de détritus. Inspirée par elle, j’ai fait une beach cleaning session dans un paradis pour la lecture. Un bosquet de prime abord charmant au bord de la plage, mais encerclé de bouteilles de rhum de 3 ans d’âge. Ma meilleure trouvaille fut une chaussure. J’étais fière d’avoir fait le ménage, pendant que les gens prenaient des selfie et laissaient traîner leur gobelet en plastique partout. Ne me baladant pas avec des sacs blancs taxés partout avec moi, j’ai dû laisser mon trésor de pirate sur place. En priant qu’à mon éventuel retour, il aura disparu.
Cienfuegos (la Perla del Sur) (17 avril) Cette ville portuaire est marquée par l’influence française, après que Louis de Clouet vint peupler cette région avec 40 familles depuis la Louisiane. Le centre-ville possède des magnifiques bâtiments, dont le Buena Vista Social club, un club huppé longtemps réservé aux blancs. Un établissement si raciste que même José Martì, président du gouvernement à une époque, ne pouvait y entrer à cause de sa couleur de peau. Il se vengea en construisant une maison plus belle et plus grande.
Playa Girón-Baie des cochons (18 avril) La baie est connue pour l’affrontement entre les Cubains, la CIA et les USA. Le musée du souvenir (museo Girón) présente des avions de guerre français et américains, des mitrailleurs et effets personnels des combattants. Dans un ton plus léger, nous avons nagé dans une piscine naturelle à l’eau cristalline, au milieu des poissons.
Régime politique Cuba est le rare pays communiste au monde avec la Corée du nord. Les Cubains ont sans doute la chance d’être dans les Caraïbes, au climat chaud et à la mentalité tranquille. Cette tranquillité peut mettre les nerfs des touristes à rude épreuve. Pour un rendez-vous, comptez au minimum 15 minutes de retard. L’agriculture rappelle celle des années 30 en Europe, avec la charrue à bœufs dans les champs de patates douces. L’exploitation de canne à sucre est un secteur important. Certains tracteurs sont si vétustes que les boulons semblent prêts à sauter à tout moment. La nature est incroyablement verdoyante sur toute l’île. Comme les aliments sont rationnés, la population fait la queue devant les magasins pour recevoir leur ration mensuelle de pain, eau, savon, sac de riz, rhum, sucre, lait, etc. Les gens ont un boulot officiel principal, un second officiel et un troisième illégal. Au royaume de la débrouille, chacun paie des pourboires aux autres pour survivre. Vu la lenteur des choses, les gens paient des « bakchich » pour se faire servir plus rapidement. Les plus travailleurs ont le droit d’aller au cinéma ou assister à un spectacle une fois par an. Concernant la presse, 3 journaux officiels paraissent dont la Granmma, journal à la gloire du régime. En le lisant de manière critique, il permet néanmoins de réviser son espagnol. Ce régime hait autant qu’il aime les USA. Les gens chantent les louanges du socialisme, iphone à la main (600 CUC pour un salaire mensuel moyen de 15 CUC) et beaucoup rêvent de s’installer aux States.
Pour conclure, je vous recommande chaleureusement Cuba pour l’architecture des villes, la beauté des paysages et la générosité des gens. Car s’ils le pouvaient, ils traverseraient l’océan pour vous aider.
Avec mes salutations pirates, Sïana Tréma
Résultat des courses: 18 JOMO-4 FOMO = Less connexion, more living
Liens utiles:
G Adventures: Cuba Colonial
STA Travel (agence en Suisse)


Répondre à CorinneBM Annuler la réponse.